Dans le cadre de la mise sur pieds de son projet de ‘’Participation des femmes aux processus électoraux’’ financé par National Endowment for Democracy (NED), le Public Interest Law Center (PILC) a déployé la première phase dudit projet de février 2021 à janvier 2022 selon un programme taillé sur mesure favorisant la compréhension des enjeux genres liés aux principes démocratiques dont la participation des femmes aux élections.
Véritable question de droit, la citoyenneté féminine a été centrée sur l’exclusion des femmes du domaine public depuis les années 1791. Cette exclusion, pose de grands problèmes liés aux droits de la femme. Il en est ainsi de la femme tchadienne et de sa place dans la société qui est une véritable problématique de la citoyenneté.
Dans la tradition libérale, la citoyenneté est définie comme un ensemble des droits ; le « citoyen » est un « sujet de droits », un sujet qui a des droits. La manière la plus courante de penser la citoyenneté, c’est à travers l’existence des droits de l’homme à portée universelle. La difficulté principale à laquelle se heurte la définition de la citoyenneté est le jugement négatif sur le rôle du droit dans la société. Ce rôle était vu comme un instrument masculin visant à ordonner la société à sa mesure. La neutralité et l’universalité du droit ont toujours été contestées par les femmes, qui, selon les époques historiques, ont utilisé tour à tour pour atteindre le même objectif : la dénonciation de leur exclusion du domaine public.
C’est aussi le travail que le PILC s’astreint de mener avec abnégation en impliquant les partis politiques, les Organisations de la Société Civile, les autorités administratives, traditionnelles et religieuses, les médias, les animateurs du PILC, les associations et groupements féminins.
Le bien-fondé de la participation des femmes aux processus électoraux
La question de l’égalité est aussi vieille que le monde et les luttes n’ont guère cessé afin d’arriver un jour à un statut de parité et de respect des droits entre les hommes et les femmes. La gestion de la chose publique longtemps réservée aux hommes (pas toujours pour les meilleures raisons) fait prendre conscience qu’une approche féminine et féministe est possible et que l’égalité peut avoir droit de cité. Ainsi, l’objectif de ce projet est de contribuer au renforcement du processus démocratique par la représentation des femmes dans les instances des décisions à travers les processus électoraux. Il s’agit spécifiquement de :
– Mobiliser les femmes en général et celles leaders des organisations autour des questions de la participation de la femme aux processus électoraux ;
– Améliorer la perception du rôle des femmes dans la gestion politique par l’éducation civique électorale de la population ;
– Aider à la construction du mouvement par les organisations des femmes pour des actions de plaidoyer et de soutien aux femmes candidates.
Un programme déployé dans sa première phase en trois parties
Mettre sur pieds un projet d’envergure nationale exige des approches adaptées pour s’assurer de toucher le maximum de cibles possible. Pour atteindre les objectifs, les activités ont été réparties en trois sous phases. La première allant du 01 février au 30 mai 2021, la seconde du 01 juin au 30 septembre et la troisième d’octobre à décembre de la même année.
Première vague du 1er Février-30Mai 2021
Pendant un trimestre, des équipes du PILC ont fait plusieurs travaux de terrains dans différentes villes du Tchad et animer plusieurs ateliers. Durant cette période allant de Février à Mai, le projet a réalisé des activités allant majoritairement dans le sens de la préparation du terrain. A cet effet, il a été question :
- Du lancement et de la finalisation de recrutement du staff du projet ;
- La cartographie et identification des participants pour le renforcement des capacités (15 Journalistes, 25 femmes leaders politiques et membres des organisations de la société civile (OSC), 15 animateurs et points focaux) ;
- Le premier numéro du journal « Le Para juriste » publié grâce au financement du NED. Il a pour but de favoriser le partage d’expériences et un apprentissage continu entre les parajuristes, de manière à mieux les outiller pour les séances de sensibilisation des populations, sur l’accès à la justice et la promotion de la Démocratie. Publié en 833 exemplaires, ce bulletin « Le Para juriste » qui parait une fois chaque 4 mois, est également mis en ligne sur le site du PILC.
C’était également une période particulièrement agitée car rythmée par les préparatifs et les élections présidentielle. L’actualité du pays en cette période se prêtait à l’exercice du PILC qui est de faire comprendre tous les enjeux liés à la participation des femmes aux processus électoraux.
Deuxième vague du 1er juin au 30 septembre 2021
Lors de cette deuxième vague, il y a eu principalement :
La formation des journalistes :
La formation des journalistes a eu lieu du 16 au 18 juin 2021 à la maison des Médias. Me Koulmem Nadjiro et le Dr Yedjibaye Yemingar Ngueto ont assuré ladite formation. L’objectif de la formation est de faire des journalistes des partenaires stratégiques pour la mobilisation des femmes dans le processus électoral et donner de la visibilité aux actions du projet. Les journalistes ont reçu des stratégies pouvant leur permettre de mieux formuler des questions adressées aux leaders politiques. La constitution des panels pour des débats politiques, les choix des questions et de leur destinataire ont été longuement débattus. Les participants ont mis en exergue l’incidence de la pertinence des questions sur la perception par le public des forces et des faiblesses des hommes et des femmes politiques. Dans la mesure où la plupart des électeurs n’ont pas de rapport direct avec les candidats, la formation a permis aux journalistes de prendre conscience de leur rôle pour amener les femmes candidates à bien exposer leur programme et à le défendre, mais aussi à ce qu’elles répondent aux préoccupations du public. Ils ont aussi pris conscience de leur rôle dans l’identification des questions ayant trait à la vie politique et à encourager les femmes à plus s’exprimer sur la scène politique.

- La formation des formateurs (animateurs et points focaux du PILC) :
La formation des formateurs (animateurs et points focaux du PILC) a eu lieu à la maison des Médias du 16 au 18 juin 2021 de 8h à 16h. Cette session de formation a été Co- animée par Mme ILDJIMA Agnès et M. ASBAKREO FITTOUIN tous les deux juristes, spécialistes du genre et membre du pool des formateurs du PILC.
Cette formation a pour but de sensibiliser les participants sur la question électorale et leur permettre de dupliquer en retour la formation aux Para juristes qui constituent la cheville ouvrière du PILC en matière de sensibilisation des populations.
- La formation des femmes leaders des partis politiques et organisations de la société civile :
Du 30 mai au 02 juin 2021 de 8h à 16h, à la maison des Médias de N’Djamena, la formation des femmes leaders des partis politiques et organisations de la société civile sur la question électorale était animée par Me KOULMEM NADJIRO et M. ASBAKREO FITTOUIN respectivement, avocate au barreau du Tchad et juriste spécialiste du genre, tous les deux membres du pool des formateurs. A la fin de la formation, les participantes ont affirmé avoir acquis de nouvelles connaissances et pris conscience de l’importance de leur participation aux processus électoraux. Certaines déclarent être conscientes désormais que les femmes sont égales aux hommes et que les deux sont des partenaires dans le processus démocratique. Elles ont compris qu’elles peuvent être militantes, éligibles et électrices, et leurs contributions sont essentielles pour bâtir une société forte et dynamique. L’occasion leur a été donnée de prendre des engagements pour restituer cette formation à leur base afin d’inciter les femmes à se présenter aux élections.

- La production des outils de communication :
La production des outils de communication telle que :
- le journal du para juriste en 833 exemplaires. Ce numéro a mis le projecteur sur le projet et ses objectifs tout en éclairant les lecteurs sur les autres activités du PILC ;
- 100 tee-shirts ont été imprimés pour la sensibilisation sur les questions électorales ;
- Une émission télévisée a été réalisée et diffusée à la télévision Electron TV Canal 291 afin de discuter de la participation de la femme dans la politique, des enjeux et des perspectives dans le contexte actuel. Le thème ‘’Femmes et politique’’ a été débattu durant 02 heures d’horloge par 02 femmes leaders politique et de la société civile ;
- Une émission radio a également été animée sur le thème ‘’Femme-Politique-Religion’’.

Troisième vague du 1er octobre 2021 au 30 janvier 2022
Cette dernière phase a vu naitre le dialogue intergénérationnel (Forum) de haut niveau qui a réuni les institutions internationales et nationales, les leaders religieux et traditionnels, les membres de la société civile et les partis politiques des 14 localités a aidé à casser le mythe sur la faible participation et représentation des femmes causée par les facteurs tels que: la persistance des inégalités et les disparités de genre à tous les niveaux, le poids de certaines pratiques culturelles et religieuses néfastes, discriminatoires qui, fréquemment relèguent la femme au second rang, renforçant ainsi les notions patriarcales d’incapacité des femmes à la direction, la perpétuation des violences contre les femmes au cours du cycle électoral, l’illettrisme (89% des femmes au Tchad), la dépendance économique des femmes aux hommes…
Ce dialogue a été une occasion pour trouver des méthodes et techniques de concert avec les participants qui devront s’engager pour : mobiliser les femmes en général et celles leaders des organisations autour des questions de la participation de la femme aux processus électoraux, améliorer la perception du rôle des femmes dans la gestion politique par l’éducation civique électorale de la population et aider à la construction du mouvement par les organisations des femmes pour des actions de plaidoyer et de soutien aux femmes candidates.

Les restitutions
Ensuite, il y a eu la restitution des formations des Femmes leaders, des Journalistes, des Animateurs et Points Focaux en sensibilisant la population à l’exemple des associations et groupements féminins dans différentes localités sur la nécessité de la participation de la femme aux processus électoraux. L’objectif global de la restitution était de susciter l’intérêt des femmes, de les mobiliser et de les outiller afin de promouvoir leur participation dans tous les processus électoraux et de les impliquer dans la gestion des conflits liés aux élections, de rappeler les droits fondamentaux et les devoirs du citoyen afin de les informer encore et d’avantage sur les droits inaliénables et inviolables. Les rapports de restitution (émissions, articles, rencontres, …) ont ensuite été envoyés au PILC.
S’en est suivie une restitution de la formation aux Para Juristes qui constituent la cheville ouvrière du PILC par les animateurs et Points Focaux dans l’objectif de toucher la grande partie de la population de la zone d’intervention de PILC. Le forum quant à lui a fait l’objet d’une évaluation le 20 Janvier 2022.
Examen et évaluation de la première phase du projet de la participation des femmes aux processus électoraux
De février 2021 à janvier 2022, des activités ont été réalisées allant dans le sens de l’implication des femmes dans le processus électoral. L’objectif de ce projet est de contribuer au renforcement du processus démocratique par la représentation des femmes dans les instances des décisions à travers les processus électoraux. Toutes les activités telles les formations, la sensibilisation, la production des outils de communication (journal, tee-shirt) ont été bien exécutées sans grandes difficultés.
Exceptionnellement, il faut relever le désistement à la dernière minute de certains partis politiques tel que le Mouvement Patriotique du Salut (MPS) dans les séances de formations et émissions radio-télévisées sans justification.
Les femmes ont démontré leur capacité à s’auto organiser et les activités que le PILC avec le soutien de NED met en œuvre à travers ce projet vont inévitablement garantir les droits électoraux des femmes et accroître leur participation aux élections future à la fin de la transition qui durera 18 mois. Toutes les mesures nécessaires pour éliminer les inégalités, fixer des objectifs et prendre des mesures de sensibilisation visant à susciter un changement durable des mentalités et des traditions afin que la participation des femmes aux élections soit pleine et entière à tous les niveaux sont en train d’être consolidés avec les partenaires stratégiques identifiés qui sont renforcés.
La sous-représentation des femmes dans l’exercice des fonctions électives et à dans les instances dirigeantes entrave le plein épanouissement de la démocratie. Pourtant, leur présence au sein des parlements et des autres assemblées élues est une composante essentielle de la démocratie. Les médias sont sensibilisés à ce sujet, et intégrés dans les programmes d’éducation civique de l’électorat. Ils vont informer, éduquer la population et spécifiquement les femmes pour leurs participation et représentation aux processus en tant que votant comme candidates. Il est cependant indispensable de noter que les femmes ne disposent pas de ressources à investir dans la couverture médiatique de leur programme politique. Se basant sur les programmes spécifiques de formation sur la participation aux processus électoraux à destination des femmes qui ont été déroulés lors des formations, nous pouvons affirmer que la tendance va se renverser aux élections futures et que nous assisterons à un mouvement fort féminin lors des présidentielles, législatives et municipales pour la démocratie.